• Chapitre 1 : Silence !!

    L’eau. Le doux son de l’eau qui s’écoule lentement, en échos secs et saccadés. Le silence. Ce silence qui précède les rêves, qui s’immisce dans nos vies pour nous perdre dans nos pensées les plus reculées. Le seul mouvement des gouttes qui tombent, une à une, dans leur bocal de verre. Simple. Banal. Humble...-WARREN ! Un garçon aux courts cheveux bouclés, plus roux que l’automne, entra en trombe dans la petite pièce. Il était essoufflé, les joues rougies et haletant.

    -Calleeeeeeeeeeeeb ! Regarde ce que tu as fait ! L’adolescent, qui était assis dans sa chambre, montra les dégâts causés par son ami. Une carafe était renversée au sol, une flaque d’eau inondait le vieux parquet de bois. Elle était tombée du bureau suite à un geste brusque de Warren qui, surpris par l’arrivée subite du rouquin, avait tapé dedans.

    - Devine quoi? Demanda le garçon, ignorant son ami.
    - Tu es encore privé de dessert?
    - Mieux ! Warren remonta ses lunettes rondes sur son nez. Noires, elle le faisaient ressembler à un vieux hibou. Il soupira et ramassa le récipient pour le replacer sur son bureau inondé. Il détestait l’Irlande, bien qu’il ne la voyait que depuis sa fenêtre. Il était lassé des tempêtes qui arrivaient jusque dans sa chambre en transperçant le plafond, ennuyé par ce temps beaucoup trop froid pour un 24 Mars.

    - On a le droit de quitter cet endroit?


    - Non...non...Malheureusement. L’abbaye Sainte-Pernelle recueille les jeunes orphelins qui n’ont nulle part où aller. Le règlement y est extrêmement strict et comporte une loi assez étrange : ne jamais sortir. JA - MAIS. Seul le cloître est autorisé et constitue leur seul carré d’air frais. Pour le reste, le mode de vie est assez rude: levé tôt, couché tôt, prières, ménage, prières, repas à heures fixes, et prières. On s’y ennuie très vite.

    - Warren...Tu n’es là que depuis peu... Il te faut du temps pour accepter... Et puis ta mémoire...


    - JE ME FICHE DE MA MÉMOIRE !!!

    Le garçon aux cheveux noirs s’était violemment dressé, comme possédé, près à gifler Calleb. Étant amnésique sur les quinzes premières années de sa vie, l’évocation de son passé inconnu le faisait atrocement souffrir. Il est arrivé dans cette prison il y a à peine une année. On l’avait alors trouvé près de l’abbaye, inconscient et glacé par le froid mortel de l’hiver, portant une simple chemise blanche et les pieds nus. La rumeur court qu’il marmonnait des choses étranges et que son corps était marqué de signes bizarres qui semblaient..

    - Bref, regarde ça, conclut rapidement Calleb, pour ne pas énerver l’adolescent.


    - Un...Livre? Rooooh Calleb, tu sais bien que j’ai étudié TOUS les bouquins de cette pauvre bibliothèque. Ils ont même la Bible en Russe.
    - Mais ce n’est pas...
    Il était coupé par les bougonnements de Warren, de mauvaise foi, qui n’avait pas vraiment envie de l’écouter. Ils aimaient bien s’enquiquiner mutuellement. Certains grands philosophes appellent ça <<l’Adolescence>>...
    - BON ! WARREN !! Calleb, dans un geste de rage, claqua le pavé qu’il avait dans ses mains de toutes ses forces sur le bureau qui trembla. Qu’est-ce que nos amis peuvent être énervants, parfois!!! - Tiens !! Sa MAJESTÉ y portera attention lorsque son humble esprit y consentira !!! Et il quitta le dortoir sombre en courant, les joues empourprées par la colère. Warren s’allongea sur son lit en soupirant. Ne pouvait-il donc être en paix deux minutes? Sans que personne ne lui demande rien?
    Il profita de ce moment de solitude pour aller se débarbouiller dans les sanitaires de l’étage des garçons. Il prenait toujours sa douche plus tôt que les autres afin d’avoir de l’eau chaude. Et encore, il arrivait qu’il se retrouve grelottant après être passé le premier. Il prit son temps. C’est le moment de la journée qu’il préférait, seul, sans personne pour lui donner d’ordres, le railler ou le regarder de travers. Parce que les murmures des autres, il les entendait. Les regards, il les voyait. Sur le peu de résidents de l’orphelinat, presque tous se moquaient de lui. Il faisait semblant de ne rien comprendre, mais au fond de lui, ça le blessait. Il lui arrivait de pleurer, le soir. Calleb restait le seul ami qu’il n’avait jamais eu.

    - Je vais être en retard pour le dîner...Il sortit finalement de la cabine et essuya ses cheveux détrempés. Il trouvait l’eau apaisante. Cela calmait ses tourments. En passant sa serviette blanche sur ses cheveux de charbon, il se regardait dans le miroir. Il se trouvait si étrange, monstrueux, avec sa peau pâle et ses yeux gris, presque translucides...
    Il chassa ses mauvaises pensées qui le hantaient et ramassa ses affaires. N’ayant pas pris la peine d’allumer la lumière du couloir, il se rapprocha de la porte de sa chambre. Mais soudain, un bruit. Un son. Comme une petite voix. Léger. Presque inaudible, mais présent. Puis plus rien. Warren fut immédiatement pétrifié. Ce qu’il ressentait... C’était un sentiment à la fois simple et compliqué. Ce genre de sentiment qui éveille en nous les pires cauchemars de l’enfance, les peurs enfouies au fond de nous, qui hantent nos nuits et absorbent nos pensées. Le frisson de l’Inconnu, cet Inconnu terrifiant, lorsque ce que l’on ignore quel combat nous attend... Derrière cette simple porte de bois.
    Pris d’un relent de courage, il ouvrit d’un coup net. Et ce qu’il vit...
    Il vit le Livre. Le Grimoire. Et il comprit que tout allait changer.


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